Martine Junier Fragments de mémoire
Moussey au dessus du Chalet.
Fouler ce sentier, écouter le murmure des arbres, se souvenir, ne pas oublier…
L'oubli serait une insulte à tous ces prisonniers déportés, adultes, enfants, disparus dans les camps et dont la cendre est mêlée pour toujours à la terre.
Regis Guillaume Stigmates ou chemin "empreinté"
Sentier entre l'abri Bernard et le Trou du Cuveau
Ce paysage et ces chemins sont marqués par le va-et-vient des passeurs d’hommes qui les ont empruntés. Ici, les éléments naturels transpirent pour un temps ces empreintes anonymes laissées au passage. Ces traces de mains sont comme des stigmates de tous ceux qui se sont posés dans un moment d’attente, d’affût, de repos ou lors d’un moment de répit. Ces stigmates disparaîtront avec le temps, mais pas la mémoire des éléments, et d’autres empreintes viendront s’y ajouter, pour d’autres raisons, pour d’autres réalités.
Benjamin et Guy Goulon Mémorial de l'Alsace Moselle de Schirmeck
Quand il faut partir, qu’emporte-t-on ?À l’essentiel, pas trop lourd car il va falloir marcher. Que puis-je faire tenir dans un sac, une valise ? Je dis valise, pas sûr, c’est peut-être déjà trop pour des chemins caillouteux, escarpés, pentus. Du linge, car cela pourrait durer, des papiers, des objets souvenirs, mais pourquoi s’alourdir. Laisser des riens, des objets chéris qu’on ne voit plus, sauf quand ils manquent. L’important n’est pas de les laisser, mais savoir qu’on ne les retrouvera plus. C’est laisser de la vie, de l’affection qui colle aux choses, là est la rupture, un coin enfoncé dans la bûche. Qui prier pour qu’on ne frappe pas sur ce coin ? Le réel commande, aller au plus pressé, échapper à la menace ou à l’incorporation, ce n’est pas fuir ; c’est choisir. Bien malin celui qui critique, car là est déjà la résistance ; et que dire de ces passeurs, si ce n’est ouvrir ce mot, le redéployer dans le don, la générosité. Faites passer.
Philippe Gondeau
Les combats, les souvenirs 1914 — 1918
Mur de l'ancienne usine, rue de la Parrière, Le Saulcy.
Mon grand-père, Joseph Bouvier me racontait ses souvenirs difficiles... En rapprochant mes souvenirs de ses récits avec des photographies historiques faites entre 1927 et 1928 par Léon Poirier, j'aimerais relier l'intime et l'histoire...
Gil L'arbre à palabres
Sentier entre l'abri Bernard et le Trou du Cuveau
L'arbre étant un témoin silencieux du temps qui passe et des vies qui défilent, il garde en lui toutes ces histoire. Grâce aux bouches qui le recouvrent (en terre cuite : mimétisme des polypores qui sont les vraies bouches de l'arbre), il les conte à qui sait les entendre... L'Arbre à Palabres est une invitation à venir s'assoir, à fermer les yeux et à écouter ses murmures.Ce lieu permet aussi aux passants d'échanger des histoires, des poèmes et de les murmurer dans le vent.Passage de mots, circulation du verbe, voyages de bouches à oreilles…
Jean-Francois Gavoty Sélénite /Trou du Cuveau.
Vers la fin de sa vie, coupé du monde et de toute notoriété, Méliès se souvenait, en dessinant cette figure lunaire, de son célèbre film Voyage dans la Lune, réalisé en 1902. Cette pièce transformée pour le sentier des Passeurs, fut mise en volume par J.-F. Gavoty en 2011. Elle appartient à sa série des Styrènes, une curieuse famille d’icônes qui essaient de devenir sculptures. Le Sélénite, retrouve ici un arbre mort qui a l'âge du dessin de Mélies. Ensemble ils occupent un cadre temporel étiré, qui permet à l'histoire profonde du cinéma d'émerger ponctuellement dans cette forêt.
Mise en volume d'après un dessin de G. Mélies (1932).
Polystyrène, stratifié époxy, pigments.
Federica De Ruvo Boiteké, femme boite aux lettres.
Chemin de l'abri Bernard.
Divinité femme boîte aux lettres, protectrice des actes pas manqués, s’arrêtera dans le Sentier et là, elle cherchera refuge. Si vous la rencontrez, n’hésitez pas à lui laisser des petits cadeaux, des lettres, des souvenirs, ce que vous voulez, avec le nom de la personne à la quelle vous auriez voulu adresser votre pensée. Et ensuite exprimez un vœu : le silence abrite le secret dans le ventre.
Daniel Depoutot Horloge / Hélicoop extérieur
Ici, dans les Vosges, où tout a commencé, nous retournons à l'aube de la civilisation industrielle marquée par l'apparition de cette machine -mère, l'horloge. Dès lors que l'on maîtrise la marche du temps grace à ce rouage diabolique qu'est l'échappement (la dernière roue dentée qui fait tic-tac par laquelle "s'échappe" l'énergie produite par le poids), on est capable, pour le meilleur et pour le pire, de programmer d'autres moteurs à poids qui permettront aux cloches de sonner (regardez le "chaperon" dans la comtoise de la grand-mère), aux automates de gesticuler mais aussi, grace à l'énergie hydraulique par exemple, aux métiers à tisser de produire. L'horloge nous permet de mesurer le chemin parcouru, et nousrappelle nos échéances : le réchauffement climatique, le rendez vous chez le dentiste, celui avec le croque-mort... Vanitas,vanitatum et baba au rhum !
Marion Cros Psychopompe / Sentier entre l'abri Bernard et le trou du Cuveau
Par la pratique de la vidéo, la photographie, la création sonore, la sculpture, je me place face à des formes, des situations, des objets, qui se trouvent au seuil de l’inquiétant, à la rencontre entre l’ordinaire et l’intangible. L’objet isolé de son contexte d’origine, souvent par un abandon, témoigne, comme un fantôme, de l’augure du temps. Mes questionnements se tournent vers des situations, des formes, à la fois inquiétantes et familières : des situations "miroir" créant un vertige. Miroir parce qu’elles sont le résultat d’une translation, d’une duplication, d’une ressemblance inopinée, ou simplement parce qu’elles reflètent un usage oublié, transformé.
Alain Chauveaux Onde et bouche / Chemin de l'abri Bernard
Dans le cadre d'un atelier de sculpture sur pierre effectué sur le terrain en mai 2014, quelques expériences de taille dans les grès longeant le sentier ont produit de singulières figures, signes dans la nature, signes de nature, fragments ou épaves.
Nathalie Chartoire Espoir d'un ailleurs
Chemin de l'abri Bernard
Jouets et figurines symbolisent d'une part les gardiens du lieu et d'autre part les passeurs et les "passants" (les gens qui fuyaient et voulaient passer la frontière) pour rejoindre un endroit meilleur où l'espoir existe encore, vision moins dramatique de ce qui s'est passé. Se souvenir que les guerres entrainent dans leur sillage des enfants qui vont devoir grandir trop vite. Projeter et imaginer ce voyage.
Philippe Aubry L’écoutarium, observatoire phonique
Trou du Cuveau
Le son est de l'énergie dans le temps et dans un lieu comme celui du trou du Cuveau,
véritable chaos géologique. Cette énergie fait émerger des histoires éphémères plus ou moins courtes à la surface de nos oreilles. Ecouter, c’est aspirer cette énergie, lui faire de la place dans le cerveau afin qu’elle stimule la mémoire et se confonde avec les émotions. Ecouter, c’est ensuite reformuler ces histoires avec ses sentiments et ses souvenirs.
